"Il faudrait que les mentalités changent"
A 35 ans, Laurent Deveau, directeur associé de S2N, est dans le métier depuis 17 ans et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est fier de faire partie "des hommes de l'ombre qui ont pris un peu de soleil ces derniers temps". Parce que oui, la crise sanitaire a mis en lumière le travail de ces petites mains qui briquent les lieux avant que le salarié n'arrive, tard le soir ou au petit matin.
S2N a plus de 600 sites en gestion, dans toutes les Alpes-Maritimes, et vient même de faire une acquisition dans les Hauts-de-Seine. Son activité est scindée en résidentiel (copropriétés) et tertiaire, et tourne avec 170 salariés pour un chiffre d'affaires annoncé (2021) autour des 4 M€, 3 M€ en 2020.
Le coût de la crise
La vie est belle ? Les apparences sont un peu trompeuses. Le patron annonce que "la crise a coûté cher et continue de coûter, de façon plus insidieuse". Une trentaine de personnes a fait défaut en pleine crise. Les masques, produits et autres gel hydroalcoolique nécessaires à l'activité ont pesé pour près de 50 000€ dans les finances : "Un tarif que l'on ne peut pas répercuter sur nos prix. Nos clients ne comparaient pas."
D'autant que six mois avant le confinement, le patron avait racheté une structure sur la technopole de Sophia Antipolis dont les principaux clients sont des entreprises de la zone. Paf ! En mars, toutes ont fermé. "Il a fallu recaser les salariés. Oui, nous avons perdu des contrats mais en avons gagné d'autres, là où certaines sociétés de nettoyage faisaient défaut et là où il fallait doubler nos prestations."
Et la lumière fut…
Grâce aux aides de l'Etat (activités partielle, PGE, prime à l'embauche), S2N a conservé tout son personnel et a même recruté trois apprentis; un quatrième devrait arriver. Conscient que ces mesures permettent de traverser une crise inédite, Laurent Deveau ne cache pas que la Covid a permis de mettre en lumière un secteur jusque-là mis de côté. "Je voudrais que l'on vienne dans ce métier par vocation et non par dépit. C'est l'école de la vie, de la pluralité, on croise de belles personnes, avec une belle philosophie du travail. J'ai commencé à 17 ans en suivant un copain et aujourd'hui, je ne regrette rien." Il aimerait également que la Fédération des entreprises de propreté (FEP) pèse aussi lourd que celle du bâtiment (sourire). "En termes de créations d'emplois, d'ascenseur social ou encore de chiffre d'affaires, la filière est très bien placée !" Ce qu'il faut à présent, selon le dirigeant de S2N, c'est "Changer les mentalités et les regards. Vous savez parfois, je donne un coup de main à mes équipes. Il est 6 heures du matin, je change des poubelles, je croise du monde et personne ne me dit jamais bonjour, c'est dur… et révélateur."
Laurent Deveau ajoute : "Tout comme il est encore bien difficile de parler d'un travail "en journée", ce qui permettrait une gestion plus aisée des contrats à proposer à nos salariés. Encore aujourd'hui, on me demande sur un gros chantier de 18 h-8 h. À prendre ou à laisser." Il rappelle également que la filière propreté, c'est une parité plus que respectée. Dans son entreprise il dépasse les 70% de femmes employées et il peut quasiment citer le prénom de chacune, quand elles ne sont pas en photo, tout sourire, sur les murs de son bureau. "C'est un secteur majoritairement représenté par un personnel féminin et je trouve important de le souligner." Rien de péjoratif, au contraire la gestion de ces hommes - femmes ! - de l'ombre, ne semble pas poser de soucis à cette entreprise qui affiche une croissance de 20% sur les huit derniers mois. Même si elle pense aux TPE qui ont dû mettre la clé sous la porte. A.F.
